Projet du contrat pluriannuel 2023-2028

« Dedans-Dehors »

L’unité conserve les orientations scientifiques interdisciplinaires mises en place lors des précédents quadriennaux : les discours sur l’amour (2002-2008), la Méditerranée en tant qu’espace imaginaire (2008-2011), les figures de l’écart : mensonges, déplacements, transgressions (2012-2015), formes et figures de l’altérité (2016-2021). Les recherches de l’unité s’inscrivent dans la continuité de l’ancien contrat pluriannuel qui a développé l’intérêt heuristique de l’altérité, l’étranger, la perception du dehors, l’exploration des frontières et des marges entre le moi et l’autre. Mais il s’agit de sortir de la dichotomie identité / altérité, de privilégier l’étude des hybridités et métissages et de mettre l’accent sur les zones de convergence, zones de flou, d’incertitude, de contact, la recherche de points communs et similarités, tout en développant des recherches intersectorielles, inter- et transdisciplinaires. Le cadre conceptuel choisi pour le nouveau projet pluriannuel fédère l’ensemble des disciplines représentées dans le laboratoire (linguistique germanique et slave, littérature, civilisation, traduction et traductologie) et s’articule autour du « Dedans-Dehors », notamment dans la perspective est-ouest. Cadre conceptuel général Le couple de contraires dedans/dehors, intériorité et extériorité, tend a priori à présenter comme irréconciliables ces deux catégories, qui peuvent étayer la construction d’identités problématiques mais aussi donner lieu à des pratiques discriminatoires. On a pu ainsi associer le dehors à l’extériorité matérielle et psycho-sensible, mais aussi aux relations parfois conflictuelles avec l’altérité et la marginalité ; le dedans, lui, désigne l’espace intérieur, l’intériorité, le chez soi, ce qui touche à l’intime et suppose une clôture, voire une volonté d’enfermement ou de protection contre une extériorité possiblement menaçante pour l’intégrité du sujet ou du groupe concerné. Par-delà les oppositions dualistes, on souhaite privilégier la mise en relation des mouvements entre intériorité et extériorité, des passages des dynamiques d’inclusion, d’intégration, d’ingestion, d’appropriation, mais aussi de transgression, d’exclusion, de ségrégation, de stigmatisation, qui traversent ces notions du dedans et du dehors, appréhendées comme des catégories non exclusives, mais complémentaires. Le cadre conceptuel général « Dedans-Dehors » permet d’intégrer le projet NARDIV sur la perception est-ouest avec la recherche d’un nouveau récit européen inclusif. Face aux frictions au sein de l’Union européenne entre les pays de l’Est et de l’Ouest, NARDIV examine l’influence des transferts culturels, des échanges interculturels et de la diplomatie culturelle sur la perception réciproque. Axes thématiques annuels Le « Dedans-Dehors » constitue le cadre conceptuel permettant d’analyser les rapports entre constructions de l’intériorité et cartographies du dehors (constructions sémantiques, représentations de l’intime, autobiographie, enfermement, imaginaire urbain, imaginaire de l’altérité, de l’étrangeté, le fantôme…), entre passages, frontières, transferts, conflits (exil, migration, appropriations, adaptations…), entre inclusions, exclusions, stigmatisations (rejet ou inclusion de l’altérité, genre et norme, laideur, marginalité, biopouvoir), entre résonances et similarités. Ces rapports complexes seront explorés à partir d’axes thématiques annuels portant sur :
  1. La nourriture
  2. Le hors-catégorie
  3. Les « Life narratives »
Chaque axe thématique annuel fait l’objet d’un cycle de 6 à 8 séminaires. Ces cycles thématiques n’excluent pas l’organisation de manifestations ponctuelles (workshops, cycles de conférences, publications, JE, colloques) sur d’autres sujets.

Présentation des axes de recherche

Le laboratoire entend poursuivre la réflexion entamée dans le précédent quadriennal sur les déplacements et les transgressions et notamment sur le mensonge comme mode possible d’interaction avec autrui, en travaillant depuis 2016 à la thématique générale et interdisciplinaire, « formes et figures de l’altérité ». Une altérité entendue comme confrontation avec et/ou reconnaissance de la singularité ou de la différence de l’autre, que celle-ci soit linguistique, sexuelle, sociale, culturelle ou religieuse. On observe notamment ainsi comment dans le dialogue interculturel ou dans la confrontation avec l’altérité linguistique, la relation avec autrui permet à l’identité d’un individu, d’une langue ou d’une culture de se questionner, voire se définir, que ce soit dans le rejet, le transfert ou l’adaptation / la transposition.

L’altérité constitue également un mode de déplacement, voire de transgression des limites de je, dans la mesure où, constitutive du sujet, elle introduit la différence et la perception en soi d’un autre sujet (« L’étranger premier en soi (le premier non-moi), c’est l’autre moi », affirme Husserl dans ses Méditations cartésiennes), la non-identité à soi et le principe de co-présence selon lequel être, c’est toujours être avec (« Dasein ist Mitsein », dit Heidegger). Si la question de l’autre introduite par Husserl, est devenue depuis une obsession de la philosophie, de Buber à Sartre, Levinas, Ricoeur , elle peut être abordée dans une perspective religieuse, éthique, sociologique ou psychanalytique. Nous partons du constat que dans la modernité, on entre dans l’ère de la production de l’autre » et qu’ il ne s’agit plus de l’affronter, de l’aimer ou de le haïr », mais de « le produire ; l’altérité constitue pourtant toujours une provocation, un impensable ; il s’agira donc de montrer que l’apparition de l’autre et les figures de l’altérité peuvent soit structurer le moi et contribuer à définir son identité, voire à fonder un individu ou une société, selon qu’il y a célébration ou dénégation de l’altérité, soit mettre en question normes et valeurs d’un sujet, d’un groupe social ou d’une culture.

Nous nous intéresserons surtout ici à la part socialement construite de l’altérité, et notamment aux dispositifs de fabrication de l’autre, dispositifs visant soit à promouvoir son altérité fascinante, soit à réduire son altérité dérangeante (dans la réduction de l’autre au même ou à soi, la séduction, la colonisation, la mise en spectacle de l’autre ou son assimilation culturelle), soit à le stigmatiser comme objet de rêve, de fascination, de désir, d’expérimentation ou de répulsion.