Muriel GIRARD
Maîtresse de conférences en sciences humaines et sociales de l’architecture à l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille (ENSA-M), laboratoire Investigations sur l’histoire et l’actualité des mutations architecturales et urbaines (INAMA) à l’ENSA-M
Les imaginaires associés à la « ville productive » au regard des pratiques et des mémoires
Depuis quelques années, on semble assister chez les acteurs publics de l’urbain à un retour en grâce de la « ville productive ». Mais à quoi correspond cette nouvelle mise à la norme dans des territoires qui par ailleurs ont subi une désindustrialisation ? Quels sont et comment se construisent les imaginaires autour de la « ville productive » dans le temps ? Comment s’articulent-ils aux pratiques et quels sont, dans ce contexte, les usages des mémoires urbaines ? En croisant l’analyse de la littérature grise et des enquêtes de terrain basées sur des entretiens et des observations, l’intervention se centrera sur le quartier de La Cabucelle à Marseille. Situé en lisière du périmètre d’Euroméditerranée 2 (extension du périmètre de l’opération d’intérêt national Euroméditerranée 1), à l’arrière du port, il se caractérise à la fois par une forte activité économique (en particulier des garagistes) et un taux de chômage élevé. Constitué d’ateliers, de friches, d’habitats ouvriers, de maisons de ville, il est aujourd’hui l’attention d’acteurs publics. Les imaginaires et les actions projetées de transformation de La Cabucelle en tant que « quartier productif » sont à croiser avec les pratiques, les représentations et les mémoires d’habitants de celui-ci.
Muriel Girard est maîtresse de conférences en sciences humaines et sociales de l’architecture (SHS) à l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille (ENSA-M), laboratoire Investigations sur l’histoire et l’actualité des mutations architecturales et urbaines (INAMA) à l’ENSA-M. Ses thèmes de recherche depuis son travail de thèse portant sur les « Recompositions du monde artisanal et mutations urbaines au regard des mises en patrimoine et en tourisme au Maghreb et au Moyen-Orient (Fès, Istanbul, Alep) » (doctorat de sociologie, 2010, Université François Rabelais de Tours) se centrent sur les processus de construction du patrimoine (les imaginaires, les pratiques et les actions) et les recompositions sociales, spatiales et identitaires auxquels ils donnent lieu dans des centres urbains historiques. Ces dernières années, ses travaux ont notamment porté sur les acteurs et les enjeux du patrimoine en Méditerranée à la fois à partir des cas turc et marocain. Elle mène désormais une recherche sur Marseille.
Muriel Girard a récemment publié Le théâtre du patrimoine. L’artisan, le maire et le touriste à Istanbul (PUFR, coll. Villes et territoires, 2020).
René BORRUEY
Architecte, enseignant-chercheur, professeur en histoire et cultures architecturales à l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille (ENSA-M), directeur du laboratoire Investigations sur l’histoire et l’actualité des mutations architecturales et urbaines (INAMA) à l’ENSA-M
Le port de Marseille : obstacle entre la ville et la mer ?
« Ici, Marseille retrouve la mer » … Tel fut le slogan en lettres capitales que tout un chacun put lire et relire au cœur de la Joliette, sur le grand panneau publicitaire ayant célébré durant sa construction la naissance de l’imposant centre commercial Les Terrasses du Port… Cela ne manquait pas de sel car cette formule, pour le moins paradoxale au cœur d’une cité maritime, accusait en sourdine l’espace portuaire d’avoir coupé la ville de la mer ! Comment un port peut-il couper les liens entre ce qu’il a pour vocation première de relier – sinon, certes, pour la baignade ? L’étonnement passé, il faut bien se rendre à l’évidence du fait qu’en ce début du XXIe siècle, l’histoire de Marseille en était effectivement arrivée là : à une forme de divorce entre la ville et « son » port, sorte de désamour entre ces deux partenaires unis dans toutes les consciences marseillaises depuis l’origine de la cité, spatialement, économiquement, socialement, culturellement. Car un mythe mortifère gagnait les esprits : l’idée que le port mourait s’il n’était pas déjà mort… Alors que, en dépit de réelles difficultés économiques traversées par l’entreprise au tournant du siècle, les bassins marseillais n’ont jamais été menacés de devoir abandonner tout ou partie de leur fonction portuaire. Chronique d’une forte chute de tension dans l’imaginaire de la ville portuaire…
René Borruey est architecte de formation, enseignant-chercheur de métier, professeur en histoire et cultures architecturales (HCA) à l’École nationale supérieure d’architecture de Marseille (ENSA-M), directeur du laboratoire Investigations sur l’histoire et l’actualité des mutations architecturales et urbaines (INAMA). Ses travaux de recherche développent des démarches associant très étroitement approches historique et morphologique des territoires urbains et suburbains, en particulier sur le cas de Marseille et de sa région métropolitaine. Les thèmes de ces travaux portent sur l’évolution des espaces portuaires, des rapports entre ville et infrastructures, sur les villes nouvelles, croisant histoire urbanistique (aménagement du territoire, rapports entre experts et politiques) et histoire morphologique (constitutions d’atlas urbains et métropolitains à partir de l’échelle communale) ; il enseigne l’histoire de l’architecture, de la ville (de l’Antiquité au XIXe siècle) et du territoire (du XVIIe siècle à nos jours).