Axe 2/ altérité, langue, traduction

Axe porté par Charles ZAREMBA, Professeur en études slaves

L’axe « Altérité et traduction » se propose d’explorer les domaines de l’altérité dans les aires germanique et slave mis en lumière par les problèmes quotidiens des traducteurs : altérité culturelle (par ex. les sous-entendus et connotations, les realia, les jeux de mots) et linguistique (par ex.les structures grammaticales non comparables, les marqueurs des relations logico-sémantiques qui n’ont pas d’équivalent exact, le langage hybride qui résulte du contact des langues).

On s’intéressera tout particulièrement ici à la notion d’altérité linguistique qui se trouve au centre de l’activité de traduction : la langue de l’autre pose la question de la part du traduisible et de l’intraduisible et, surtout, celle de la nature de ce dernier. La langue de l’autre peut se présenter également comme un élément de construction du texte littéraire qu’il n’est pas souhaitable de traduire, car la langue étrangère est donnée dans le corps du texte en tant qu’élément exotique qui matérialise la frontière avec le territoire linguistique de l’autre. Certaines œuvres, construites sur les interférences ou la confrontation entre deux (ou plusieurs) langues au contact peuvent ainsi être jugées intraduisibles.

Le meilleur effet de la traduction est la naturalisation des textes étrangers qui finissent par s’intégrer dans les corpus nationaux. Aucune littérature (du moins européenne) n’est compréhensible ni complète sans Ovide, Pétrarque, Shakespeare, Balzac, Kafka, etc. Les apports extérieurs contribuent à la construction de l’identité de la culture d’accueil : l’autre révèle le soi, le rend visible.

Le processus de naturalisation passe par le travail concret, artisanal, de la traduction, plus précisément, celui des traducteurs, incarnation de l’altérité, véritables Janus à la jonction de deux langues et, plus généralement, de deux cultures. L’image du passeur est aussi galvaudée que fausse : le traducteur ne quitte pas une rive pour en rejoindre une autre, il est à la fois sur les deux rives tout en étant en animé d’un mouvement permanent de va-et-vient, rempli d’hésitations et de remords, conscient du fait que les deux rives sont différentes, voire non comparables. Comment dès lors les rendre compréhensibles (au sens linguistique et culturel) l’une à l’autre ?

De là naît la perpétuelle insatisfaction des traducteurs qui retouchent sans cesse leur travail, et celle des lecteurs qui accueillent comme un phénomène naturel, voire un dû, les retraductions. Est-ce l’effet d’une altérité radicale dont la manifestation extrême est l’intraduisible ? Ce dernier est-il une qualité intrinsèque de certains faits culturo-linguistiques ou renvoie-t-il simplement aux limites de traducteurs ? Ou encore est-il une manifestation visible de l’indicible ?